Il faut voyager loin dans le temps et dans l’espace pour rencontrer Salmanazar, ce prestigieux roi assyrien qui s’illustra par ses conquêtes il y a bientôt trois mille ans. Voyage enivrant, depuis qu’on a eu la fantaisie de donner son nom à une énorme bouteille de champagne. C’est un désir commun de connaître et de partager l’ivresse musicale du voyage qui a réuni les jeunes artistes fondateurs de l’Ensemble Salmanazar, dans le cadre d’une résidence à La Cité de la Voix, à Vézelay. Oui, enivrant voyage. Avant le XIXe siècle, point d’images encore, point de guides, aucune représentation dans l’imaginaire populaire. Semé de risques à la Renaissance, en l’absence de cartes, le voyage restait au XVIIe et au XVIIIe une aventure, car même dans les contrées proches, la langue, les coutumes, les transports étaient chaque jour à la source de surprises et de découvertes.C’est pourquoi à toutes les époques des voyageurs eurent à coeur de rédiger les récits de leurs pérégrinations. Ils faisaient ainsi connaître des peuples, des villes, des détails pittoresques, mais aussi des musiques qui les avaient surpris, souvent émerveillés. Spécialistes passionnés des musiques ancienne et baroque, les membres de l’Ensemble Salmanazar trouvent dans les récits des voyageurs un ferment pour leurs recherches et leurs réalisations. En effet ces tableaux contrastés éclairent l’ensemble du répertoire européen : musiques festives, musiques tendres, musiques mystiques. Salmanazar, par ses interprétations authentiques et vivantes, aspire à faire ressentir aux auditeurs d’aujourd’hui les émotions des voyageurs du temps passé. Des chemins qui viennent d’Espagne Musiques pour viole de la Renaissance espagnole C’est en Espagne que prirent naissance deux instruments promis à une renommée internationale: la guitare, popularisée seulement à partir des années 1800, et la viole, instrument-roi en Europe du XVe au XVIIIe siècles. A pays ardent, musique passionnée, pour toutes les circonstances et toutes les classes de la société. Avec un recueillement mystique, la viole avait accompagné la prière et la méditation. Mais elle pouvait aussi briller dans toutes les réjouissances, imprimer aux danses des rythmes endiablés, accompagner les chansons populaires ou amoureuses. Seule ou en “consort”, c’est la viole qui fut le vecteur de ce qui nous semble aujourd’hui essentiel en musique : l’expressivité, rendant possible la traduction des sentiments. Virtuosité, rythme, sensibilité : ainsi s’explique la diffusion de la musique espagnole dans l’Europe entière à l’époque baroque. On ne compte pas en Angleterre, en Italie, aux Pays-Bas, en France, les éditeurs qui propagèrent la mode espagnole : pavanes, sarabandes, chaconnes, passacailles. Il faut réserver une place à part à ce premier de tous les “tubes”, les Folies d’Espagne, qui inspirèrent des variations à une infinité de compositeurs jusqu’au XXe siècle. Marin Marais, dont on entendra l’oeuvre célèbre est sans doute le plus connu d’entre eux. Au-delà des mers, instruments et rythmes ibériques sont à l’origine de bien des musiques de notre temps. L’Ensemble Salmanazar se nourrit de ce passé pour redonner vie à des musiques d’autrefois, et en fait pour nous des musiques d’aujourd’hui. Jeanne Dorche, viole de gambeTakashisa Aïda, clavecinNicolas Wattine, théorbe, guitareBenoit Beratto, contrebasse baroque et violone
Ensemble Salmanazar